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Guillaume Constantin

à propos de l'installation Réserve pour l'exposition collective

"Le quatrième mur" à l'ESACM, Clermont-Ferrand, 2014

« Il est assez naturel pour des artistes de réaliser des workshops. Il est en revanche un peu moins courant de leur confier des commissariats d’exposition. Lorsque j’ai été invité à faire celui de l’exposition des diplômés de la session 2014 de l’École Supérieure d’art de Clermont Métropole, il m’a semblé intéressant de coupler les deux situations, que ces jeunes artistes soient amenés à construire leur propre exposition et en mesurer d’autant les enjeux.

 

En rencontrant, dans ce cadre, Corentin Massaux et ses qualités d’observateur attentif, d’arpenteur, de peintre ayant le sens de la mesure comme de la métrique, son travail de protocoles fait alors merveille dans notre entreprise collective : il balise, découpe, déploie les espaces et fait même office de support pour les autres. Dans l’exploration des espaces de l’ESACM, je lui propose d’investir, presque par défi, les minces vitrines créées par les murs structurant le grand hall à l’origine vide. Techniquement situées au dos de l’espace d’entrée, elles n’apparaissent qu’au sortir du bâtiment vers la cour intérieure et ne se devinent autrement que pour celui ou celle qui cherche les recoins.

 

Une situation que Corentin utilisera de façon quasi-évidente, son titre Réserve la révélant on ne peut mieux. La simplicité de son geste, le dépôt très organisé de ses tasseaux et de ses briques peints et en appui contre le verre plutôt que le mur, s’affirme aussi par le fait que l’on est amené à regarder le dos de ces pièces, ce que l’on ne verrait normalement pas, à l’instar de ces vitrines. Une inversion qui fait très fortement écho à la notion de « Quatrième mur », dispositif scénographique bien connu et titre alors de l’exposition. Un parti-pris qui structure la couleur, la montre autant qu’il ne la cache en renforçant sa matérialité et sa présence. Comme si, comme une réponse apportée à Georges Pérec, classer c’était effectivement, du moins dans ce cas précis, donner à penser. »

Guillaume Constantin, 2017.

Cédric Loire

à propos de ma proposition pour l'exposition collective

"Les enfants du Sabbat 16" au Creux de l'Enfer, Thiers, 2015

On recourt souvent à la célèbre formule de Vinci « La peinture est cosa mentale », pour signifier en art le primat du concept sur sa matérialisation. C’est omettre pourtant la suite du Traité de la Peinture : « D’elle procède ensuite l’exécution, beaucoup plus noble que ladite théorie ou science. » La peinture telle que la pratique Corentin Massaux explore consciemment cette tension féconde entre concept et matérialité.

Il y a ce que l’artiste appelle Situations picturales (2012-2015) : des portions d’espace, des agencements d’objets dans un contexte urbain, qu’il repère, observe et photographie. Sans constituer des « modèles », elles nourrissent à distance l’élaboration d’un corpus, sans cesse reconfiguré, d’objets picturaux (plots, toises, panneaux monochromes, parpaings colorés…) dont les matériaux impliquent souvent des formats standard, employés tels quels, ready-made, et qui convertissent la matière visuelle et sensible de l’environnement urbain.

Il y a ce répertoire de « protocoles ». D’une veine a priori conceptuelle, ils interagissent avec le site où ils sont actualisés — se mesurant à son échelle (un fil tendu « à niveau ») ; y confrontant celle du corps (une nuée d’autocollants appliqués selon l’amplitude des bras écartés) ; ou y introduisant une « greffe » (une courbe de papiers colorés à la jonction sol-mur). Dimensions et couleurs sont chaque fois déterminées sur place. Si ces interventions in-situ font preuve d’une grande économie, elles témoignent aussi, tout comme les œuvres réalisées dans l’atelier, d’une subtile attention envers les qualités de surface et de couleur.

Il y a, comme qualité intrinsèque de la surface et du plan, l’épaisseur — de la couche picturale, de la tranche souvent visible du support (la bâche pliée partiellement peinte de Sans titre (sortie d’emballage), 2015, en fournit un exemple particulièrement parlant) — et la profondeur, matérielle autant que figurée. Empruntant à l’occasion le masque du décoratif, la couleur vient vriller la régularité d’un bel ordonnancement (Variation sur plinthe aluminium, 2015), semer le trouble dans la perception de la planéité (Sans titre (Akilux), 2015).

Il y a cette façon dont, s’écartant de la rigueur minimaliste que dégage l’ensemble, les plans colorés se plissent en réminiscences de drapé baroque. Dans la bâche de Sans titre (sortie d’emballage) encore. Ou dans les réserves formées par les plis d’un adhésif appliqué puis ôté (Sans titre (Akilux)), et marquées d’une couleur contrastant à peine avec le « fond ». Ou dans l’affaissement de feuilles de papier multicolores de format identique, maintenues par deux tiges filetées (Sans titre, 2015 : le contraste entre le caractère « hard edge » de la vue frontale et les ombres qui se creusent sur la tranche est ici particulièrement opérant). Et puis, dans la molle courbure d’une série de formats A4 marquant en la dissimulant la jonction sol / mur (Accrocher des formats papier entre sol et mur (couleur et format à déterminer sur place).

Il y a cette agilité de la peinture à « se plier » aux espaces qui lui sont proposés ; à s’installer dans des lieux qui ne lui sont a priori pas destinés ; à raser les murs, traîner dans les coins ou dans l’escalier. Cette capacité à penser l’espace d’exposition tout entier comme un espace pictural, sans faire l’économie d’une critique amusée des conditions de visibilité de la peinture. Dans Poser des autocollants à amplitude de bras, l’artiste recourt, non sans humour, à un outil enfantin (des gommettes), et fait le choix d’un support (le limon de l’escalier menant à l’étage) peu valorisé et peu valorisant pour une œuvre d’art. Sur le mode faussement léger de la plaisanterie pince-sans-rire, il veille à ce que les gommettes

laissent lisibles les indications peintes à l’attention du spectateur (« suite de l’exposition ») — à ce que la peinture « reste à sa place ».

Il y a — parfois réduite au « faire » le plus élémentaire, et en même temps déployée, comme hors d’elle-même pour mieux opérer son mouvement réflexif et critique — la peinture, encore.

 

Cédric Loire, texte publié dans le catalogue de l'exposition Les enfants du sabbat 16, le creux de l'enfer, Thiers, 2015

Alex Chevalier 

à propos de ma proposition Obstruer la vue pour l'exposition collective

"Le rythme des choses" à Les Ateliers, Clermont-Ferrand, 2014

« Développant une pratique de protocoles picturaux et opérant un déplacement de l'espace de la rue vers l'espace du white cube, Corentin Massaux a proposé une oeuvre spécifiquement pensée et adaptée à l'espace qui lui été réservé, un espace «entre-deux» ; une large vitrine ouverte sur la rue. À la façon d'un site-specific project, et comme son titre le laisse penser, cette oeuvre a pour rôle d'obstruer la vue et de rendre toute appréhension de l'exposition depuis l'espace extérieur impossible. Pour ce faire, l'artiste a réalisé une large bande jaune en collant au scotch une multitude de feuilles de format A4 les unes à la suite des autres en prenant comme seule unité de mesure, son propre corps.

Au-delà de sa capacité d'adaptation à l'espace environnant, l'oeuvre, tant dans son dispositif que dans son économie, joue avec des notions de rythmes par des jeux de superpositions de matières ; créant alors des zones plus ou moins denses que la lumière, apportée par l'espace de la rue, permet de rendre compte. »

Alex Chevalier, 2017

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